HISTORIQUE DE L’ASSOCIATION

HISTOIRE DE L'ASSOCIATION

Les Concerts de Grandson, 40 ans d’aventure musicale, mais pas seulement !

Au printemps 1983, la Paroisse de Grandson et Georges Perrin acceptèrent d’accueillir au Temple de Grandson trois concerts proposés par Pierre Hugli, critique musical et organisateur de saisons musicales à Lausanne. Qui aurait imaginé un prélude à une aventure qui dure maintenant depuis 40 ans ?

En effet, à l’automne de la même année, ce fut enfin la réouverture du Château, et la fondation dans l’enthousiasme de l’Association des Amis du Château de Grandson. Son président d’alors, M. Schenk, s’approcha de Georges Perrin pour souhaiter une collaboration musicale. L’Association des Concerts de Grandson fut créée. Dans la corbeille de mariage, les Amis fournissaient la salle et l’après-concert en la Salle des Banquets, dont le pain, le vin et le gruyère.

En octobre 1983, la pianiste de grand renom Brigitte Meyer donna le premier concert dans une Salle des Chevaliers comble. Un programme fort bien reçu, avec des Sonates de Beethoven. Le piano fut mis à disposition par Pierre Hugli.

Quelques mois plus tard, au Temple, ce fut un grand privilège d’accueillir l’Ensemble Vocal de Lausanne qui chanta la Messe pour double chœur de Frank Martin sous la direction de Michel Corboz. Ce départ en « fanfare » assura d’emblée une bonne réputation aux concerts de musique de chambre de Grandson.

 Celle-ci favorisa une excellente et fidèle collaboration avec la Radio Suisse Romande, Espace 2, et facilita le contact avec Le Pour-cent culturel Migros pour l’accueil de lauréats de son concours bisannuel d’interprétation musicale.

Brigitte Meyer

Il fallut rénover le piano, ancien et assez fatigué. Pour financer la restauration, les Concerts de Grandson proposèrent en trois séances l’intégrale des Sonates pour piano et violon de Mozart. Brigitte Meyer et le réputé violoniste Hans-Heinz Schneeberger offrirent l’intégralité de la recette. Le Temple de Grandson resta toujours un lieu apprécié. On notera la venue à deux reprises du célèbre violoncelliste Pierre Fournier dans sa souveraine interprétation des Six Suites de Jean-Sébastien Bach.

C’est à Grandson que Louis Schwitzgebel donna à l’âge de 7 ans son premier récital. Le garçonnet profita de son passage pour découvrir la forteresse, en visiteur vrai casse-cou au grand dam de l’intendante du château Mme Ehrenberg : « mais ses délicates et précieuses mains ! » Mais au clavier, quel magnifique et prometteur musicien !

Une programmation « pointue »

D’emblée les Concerts ont pensé à un choix musical éclectique, d’une part avec des œuvres du grand répertoire, d’autre part avec des choix plus inattendus d’œuvres de facture classique ou romantique à redécouvrir. En fait le Comité intervient peu dans les choix musicaux des musiciens, et s’efforce surtout d’éviter des redondances.

Pour se faire connaitre, encore faut-il se différencier. Cette dynamique, les Concerts l’ont maintenue. Le pianiste Christian Chamorel parle d’une « programmation pointue ».

Ainsi au Temple avec un concert quasi confidentiel autour d’un très discret clavicorde. Ou au Château avec un Ensemble Bois et Vents venant de Berne pour jouer une œuvre contemporaine de Jean-Luc Darbellay dont la partition reprenait formellement la graphie abstraite d’un tableau de Paul Klee. Et d’y ajouter en création une pièce du Biennois Jost Meyer, en la présence du compositeur. La satisfaction du public ne fut point feinte, à entendre les commentaires lors de l’après-concert en la Salle des Banquets.

Que de péripéties !

Ce fut encore l’accueil au Temple de Grandson du Nouvel Ensemble Contemporain neuchâtelois. Un programme quasi expérimental, avec une instrumentation peu habituelle, et le public s’est déplacé. Pourtant un couac : le caissier reçut en début de concert une enveloppe suspecte, laquelle s’avéra être une lettre anonyme, en fait prévue pour le NEC. Quelle patience pour le découpage si délicat des caractères multicolores tirés d’un journal ! Un grand merci teinté d’ironie pour une relique que les Concerts conservent avec soin.

Un récital guitare solo, au Château, fut malheureusement détérioré » par le voisinage des Brandons, qui pourtant devaient cesser leur tapage vers midi. Le musicien, le public, tous étaient fâchés. Il fallut s’exiler.

Cela déboucha sur un concert par saison au Temple de Montagny-près-Yverdon, édifice présentant les meilleures qualités d’accueil et d’acoustique, très apprécié par Espace 2. C’est devenu, à la demande de la Municipalité, « Montagny baroque ».

La salle des Chevaliers est certes magnifique, mais d’installation fragile. Quand Marietta Petkova entama la Sonate au Clair du Lune, panne d’éclairage, ne resta que la lumière diaphane de l‘astre de la nuit. Souveraine, la pianiste continue. Plutôt énervé, le soussigné découvrit en aveugle dans le noir l’improbable interrupteur et attend la fin du célèbre Lento pour remettre l’éclairage, à la grande joie du public, n’osant croire à une mise en scène.

Et quel bonheur encore que d’accueillir au Château parents et enfants autour de Christophe Ballissat, acteur et conteur, accompagné d’un batteur, d’une contrebasse et du piano, dans Babar le petit éléphant, de Francis Poulenc.

Nouveau piano

Les Concerts ne disposant plus du piano, un handicap provisoirement surmontable, il fallut toute l’énergie de la nouvelle présidente Aline RAPIN pour procéder à la recherche de fonds. Le montant obtenu fut conséquent, deux tiers de la somme recherchée. Un emprunt ? Mais « aide-toi, la Municipalité t’aidera », la Commune de Grandson prit en charge le versement du solde.

Sur recommandation d’Espace 2, ce fut au Round Top Trio (Texas) d’inaugurer l’instrument. Le pianiste ne joue que sur piano Steinway and Sons ! Et d’exiger de changer d’instrument, 3 heures avant l’arrivée du public. Notre membre américaine, Gladys, négocia et adoucit les mœurs du musicien, qui à la pause, présenta avec le sourire ses excuses et remercia d’avoir pu découvrir notre Bechstein 2.06 m nouvellement rénové et acquis. Et le public put saluer un trio stupéfiant par sa maîtrise et sa musicalité dans le grand répertoire classique, mais aussi dans une pièce plus moderne.

Symphonie pour la nouvelle Salle des Quais

De la magnifique confiance des autorités communales, nous étions volontiers redevables. Quand la nouvelle Salle des Quais fut ouverte, les Concerts ne proposèrent rien moins qu’un concert symphonique avec les musiciens de l’Orchestre des Jeunes du Bade-Wurtemberg sous la direction de M. Félix Hauswirth. 60 jeunes qu’il fallut accueillir, loger, nourrir. Salle comble et enthousiaste. Le programme faisant la part belle aux cuivres, les danseurs Sylvia et Antonio Perujo animèrent de leur furia flamenca trois pièces du répertoire espagnol. Et en soirée, quand tout fut rangé, un comité heureux, satisfait, mais sur les genoux ! Et la Municipalité un peu inquiète se sent rassurée.

Mme Éliane Stucki reprit la présidence. On lui promit de pouvoir être raisonnablement active, tel n’est pas son tempérament. Elle se dévoua tant et plus, avec autorité, tact et un sens de l’organisation efficace et bienvenu.

Toujours au Château, avec le Schweizer Klaviertrio dans un quatuor de Chostakovitch dont l’intervention au 4ème mouvement d’une mezzo-soprano russe de l’opéra de Zurich : l’évocation de la noirceur du stalinisme nous glaça. Long silence atterré dans une atmosphère oppressante, puis un timide applaudissement brise la malédiction, et enfin une longue et libératrice ovation. Qui dirait que la musique devrait être plutôt belle qu’expressive ?

Pierre Mancinelli, pianiste habitant dans l’Ain au lieu-dit La Main morte (cela ne s’invente pas), bénéficie d’une solide expérience du grand répertoire et d’un réel don pour l’art de l’improvisation. Cela nous permit de découvrir nombre de références musicales lors de son accompagnement au piano du film muet Nosferatu. Une heure mémorable, même fascinante !

Encore au Château, la soprano Laure Barras, accompagnée d’une guitare et d’un violon, évoqua les poèmes de Federico Garcia Lorca et les airs de compositeurs de l’Espagne andalouse. Après la pause, elle, qui a vécu au Liban, passa au répertoire proche-oriental, dont des chants de l’immense Fayrouz. Le public se montra séduit, conquis.

Et il fallut saluer la réouverture du Temple de Grandson magnifiquement rénové.

Le soussigné découvrit en Voïvodine un CD du Nonette orthodoxe de Belgrade. Et le Comité de l’inviter avec l’appui de Jovica Sojic à Yverdon, qui pris au jeu, bouscula l’ambassade suisse, et les visas sont délivrés à temps.

A peine arrivé, le Nonette passa notre seuil. Sur ordre de leur chef, M. Djorje Pavlovic, nous eûmes droit aux chants de bénédictions, pour notre habitation, pour nous même, et à leur magnifique Pater Noster. Ensuite notre piano passa au jazz, les chanteurs au vin rouge. Partis plutôt chancelants, le lendemain ces solides gaillards étaient frais comme des gardons, et obtinrent une standing ovation d’un public remplissant l’entier du Temple. Le soir même, le Nonette est invité dans un restaurant à Yverdon-les-Bains. Un choriste se leva, sortit son diapason, chacun fait le signe de croix et le chœur chante le Pater Noster. Les nombreux autres convives applaudirent, au grand dam des chanteurs. Depuis quand applaudit-on un chant d’action de grâce ?

Orage dans le Temple de Grandson

Au Temple de Grandson, l’organiste Guy Bovet et l’acteur François Rochaix présentèrent des pièces de Franz Liszt sur des textes de Georges Sand. Puis vint l’Orage de Jacques Vogt, celui-là même qui en 1836 accueillit les 2 voyageurs, si fier de montrer son instrument nouveau en la Cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg. Guy Bovet s’adonna à cette improbable œuvre de style pompier. Un feu d’artifices, kitch à souhait, on se pinçait. Mais quel bonheur de découvrir la puissance et les belles ressources de l’orgue grandsonnois !

250ème anniversaire du Temple de Montagny-près-Yverdon

En l’an de grâce 1769 eu lieu l’inauguration du nouveau Temple de Montagny-près-Yverdon : 250 ans plus tard, la Municipalité invita à marquer le coup. L es Concerts invitèrent des enseignant-e-s de l’école de musique yverdonnoise A Tempy. Le programme se voulait de l’époque. Le secrétaire des Concerts, tout de noir habillé, monta en chaire pour simuler un accueil pastoral face à un public devenu « ouailles », même si femmes et hommes n’étaient point séparés. Ce fut bien accepté, même amusa. Puis le consort s’installa, cordes, voix, bois et clavecin, et captiva les fidèles avec leur programme du XVIIIè s’achevant sur l’Exultate Jubilate du divin contemporain Mozart.

Hélas le Covid jette à terre notre saison 2020-2021.

Seule la retransmission directe avec Espace 2 a été maintenue : la musique médiévale et renaissance du consort autour de Arianna Savall et sa harpe retentit au Temple de Montagny, certes hors public, mais ce fut une bien belle retransmission. Trois autres concerts furent provisoirement annulés, et ont été proposés plus tard. Le Comité obtient de l’Etat de Vaud, grâce à la gestion professionnelle de son comptable (merci André RAIMOND) l’équivalent des cachets convenus avec le duo Christian Chamorel et Benoît Capt.

Nouvelle présidence et nouveau lieu, on déménage

Éliane Stucki ayant souhaité quitter la présidence, c’est Aline Rapin qui en juillet 2022 prit le relais.

Les travaux au Château prennent de l’ampleur. Les Concerts doivent se mettre en quête d’un autre lieu même si l’appui des Amis du Château leur reste acquis. La Municipalité apporta son aide, et la Salle des Quais est mise à disposition au tarif prévu pour les sociétés locales. Et une fois de plus, les employés communaux se montrent des plus prévenants. Le piano y est stocké, comme un fauve derrière sa grille de protection.

Le premier concert de musique de chambre en la Salle des Quais a eu lieu le 15 janvier de cette année 2023. On découvrit une belle acoustique. Des œuvres de Brahms et Turina furent interprétées par un sextuor à cordes composé de musiciens locaux : le Quatuor Solem augmenté de Mme Isperian au piano et M. Hans-Christian Sarnau à l’alto. Pas moins de 222 personnes dans le public. Un vrai succès d’audience et de musicalité.

Plus de 220 concerts

Ainsi durant ces presque 40 ans d’activité, de fil en aiguille, plus de 220 concerts furent proposés, le plus souvent de qualité, certains même de très haut niveau d’exécution. Et même si les artistes avec le plus de notoriété attirent mieux le public, ils n’ont pas le monopole de l’excellence et de l’expression musicale, heureusement !

Au Château : le Quatuor tchèque Stamitz, les Quatuors Terpsycordes, Alexander (New-York), Philippe Huttenlocher dans des Lieder de Hugo Wolf, Benoît Capt, les pianistes Alexandre Rabinovitch, Sylviane Deferne, Jean-Sélim Abdelmoula, Béatrice Berrut, Irina Lankova, Christophe Sturzenegger, la chanteuse Hiroko Kawamichi, Shina Diluka en duo avec la violoncelliste Camille Thomas, Sebastian Singer, le flûtiste Christian Delafontaine, mais encore la voix envoûtante de Mariana Correia dans du Fado traditionnel avec guitares portugaises, l’Ensemble Simili et son extraordinaire violoniste Juliette Du Pasquier qui d’oreille apprit trois brèves pièces de Brahms et fascina les violonistes dans le public, etc …

Au Temple de Grandson, nombre de chœurs dont Canticum novum pour des musiques du temps de la Porte sublime, magnifique coproduction avec Espace 2 laquelle fit venir de Genève beaucoup de mélomanes orientaux stupéfaits en découvrant la beauté des lieux, l’Ensemble Post-Scriptum, le choeur Emocio (en mémoire du Christ du Vendredi Saint), les Vocalistes romands, etc …

Au Temple de Montagny, le clarinettiste Frédéric Rapin et les Chambristes de Neuchâtel dans des œuvres de Mozart et de Carl-Maria von Weber, la violoniste Denitsa Kazakova, le Quintette baroque de l’Orchestre Baroque du Léman. Et le rare privilège d’accueillir Thomas Dunford au théorbe et la soprano Anna Reinhold dans le répertoire du XVIIè baroque, dont une émouvante pièce de Barbara Strozzi, féministe avant l’heure, etc …

Que vivent les Concerts de Grandson pour les quarante prochaines années !

Beate et Reto Barblan

Mot de la Présidente, Aline Rapin

Quelques événements marquants de l’histoire de Grandson … des concerts : oui l’histoire de l’association des Concerts de Grandson est étroitement liée à celle du bourg : nous l’avons vu, la réouverture du Château au public en 1983, la rénovation du Temple St-Jean Baptiste, la création de la nouvelle Salle des Quais ont résonné de récitals et de concerts.

Et si ces concerts restent aujourd’hui inscrits dans la modernité et évoluent avec le temps, c’est grandement en raison de la liberté offerte aux artistes de choisir les œuvres proposées aux auditeurs : elles expriment leurs préférences, le summum de leur talent.

Mais Les Concerts de Grandson n’auraient pu traverser les décennies sans l’enthousiasme et la persévérance de son comité. Certains de ses membres se sont éteints, certains ont pris d’autres directions, tous se sont investis avec grand intérêt, compétence et dévouement : l’association leur témoigne ici sa vive reconnaissance. Et si Les Concerts de Grandson ont su affronter toutes ces années, acquérir leur notoriété et participent toujours à la riche vie culturelle de Grandson, c’est beaucoup grâce à Beate et Reto Barblan : il y a quarante ans, ils ont eu l’idée de proposer des saisons de concerts de musique classique à Grandson. Ils ont rencontré les meilleurs artistes du temps pour les inviter, ont assumé et assument encore les diverses tâches – parfois difficiles et ardues – liées à l’organisation de manifestations. Dès le début de cette aventure et aujourd’hui encore, leur enthousiasme, leur engagement, leur fidélité sont remarquables et estimables. Les Concerts de Grandson leur expriment ici leur grande gratitude et les remercient vivement.