Concert 2

Le Quatuor Solem avec Denitsa Kazakova, deuxième depuis la droite.

Grandson classique

Hans-Christian SARNAU, alto, Denitsa KAZAKOVA, violon, avec le Quatuor Solem, et Claire ISPERIAN, piano

Dimanche 15 janvier 2023 à 17h, Salle des Quais à Grandson

Au programme :

Johannes BRAHMS: Quintette pour cordes et piano en fa mineur opus 34

Joaquin TURINA:  Scène Andalouse pour alto, piano et quatuor à cordes

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A propos du Quatuor Solem

Denitsa Kazakova et Olivier Piguet, violons, Céline Portat, alto, et Pascal Desarzens, violoncelliste, se sont réunis en 2013 pour fonder le Quatuor Solem. Leurs connaissances du répertoire, leurs sensibilités musicales, l’intérêt pour la musique dédiée aux quatuors à cordes, leur vision à long terme, mais aussi l’amitié, leur goût pour la plaisanterie, ont incité ces quatre artistes à associer leurs compétences pour une nouvelle aventure : fondre quatre individualités artistiques en un ensemble, un délicat équilibre entre modestie et affirmation de soi ! Qui mieux que le quatuor à cordes offre-t-il un tel jeu entre la diversité (quatre musiciens sur instruments à cordes) et l’unité (une seule œuvre, voire un seul instrument : on évoque parfois un grand instrument à 16 cordes pour parler du quatuor). Le nom Solem : une métaphore, en quelque sorte, des intentions artistiques de l’ensemble, de leur goût pour le solaire, la lumière.

Un enregistrement sur CD est sorti avec les quatuors de Rosamunde et de Franz Schubert Quartettsatz, ainsi que le quatuor de Pascal Desarzens « Prendre le Temps qui s’égraine ».

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Invité: Hans-Christian SARNAU, alto

Hans-Christian Sarnau sera le premier alto dans la Scène andalouse de Turina et il est invité par le quatuor Solem pour interpréter le Quintette de Brahms.

Après plus de vingt ans d’enseignement de l’alto, du violon et de la musique de chambre, il se consacre désormais pleinement à son activité de concertiste.

Tout d’abord alto solo d’orchestres prestigieux, tels le Württembergisches Staatstheater de Stuttgart, puis la Camerata de Berne, il privilégie ensuite la musique de chambre et a été, par exemple, membre du Quatuor Modigliani, du Quatuor Ortys, des Solistes de Genève et du Collegium Novum de Zürich. Il a donné ainsi des concerts sur quatre continents.

De nombreux CD et DVD, enregistrements radiophoniques et télévisés témoignent de son talent et de sa riche personnalité musicale.

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Le Quintette pour Piano en fa mineur op. 34 dans l’œuvre de Brahms

La musique de chambre tient une place privilégiée dans l’œuvre de Brahms. Sa vocation l’attirait davantage vers le lyrique que vers le dramatique. Il attendit ainsi plus de vingt ans avant de se mesurer à des œuvres symphoniques. Il se montrait en effet très inquiet et scrupuleux devant l’imperfection et jamais il ne présenta une pièce qu’il n’estimait pas parfaitement préparée. Combien de pages détruisit-il sous prétexte qu’elles n’étaient pas abouties !

Le Quintette pour piano en fa mineur op.34 prend une place toute particulière dans l’œuvre de Brahms, non seulement par sa distribution singulière (un piano et un quatuor à cordes), mais aussi par la complexité de l’histoire de sa genèse. Cette œuvre si heureuse qui semble couler de soi et atteindre les beautés de l’indicible, a pourtant poussé Brahms à exercer sa patience. En 1862, cette pièce fut d’abord projetée sous la forme d’un quintette à cordes (avec deux violoncelles) ; bien que déjà très élaborées, Brahms jugea que l’équilibre des timbres de ces pages n’était pas satisfaisant. Il proposa alors au public, en avril 1864, un concert où, avec le pianiste Tausig, il interpréta la Sonate pour deux pianos, soit transformation du quintette initial pour cordes. Porté par des amis enthousiastes et intransigeants, Brahms considéra néanmoins cette sonate comme un échec. Mais le chef d’orchestre Hermann Levi lui suggéra de la transformer, une nouvelle fois, en un quintette avec piano. Clara Schumann, qui avait été enthousiasmée par la version originale, déclara « Je t’en prie, cher Johannes, écoute-moi, range-toi à l’opinion de Lévi, et reprends encore cette œuvre. » Brahms suivit ces conseils : le grain du piano permettrait de dégager du timbre des cordes la clarté nécessaire pour mettre en valeur la densité de son écriture.

Retrouvant ce qui lui est le plus familier, le piano, Brahms peut alors laisser libre cours à ses élans fous, à son inspiration irradiante. Il a trouvé l’alchimie des timbres susceptibles de porter ses chants inépuisables, la quintessence du romantisme.

Ce quintette fut achevé dans sa forme finale à la fin de l’année 1864 à Lichtenthal (le vallon de lumière), près de Baden-Baden. Brahms avait 31 ans.

Cette œuvre magnifique est considérée par certains comme la plus belle de Brahms : clairs obscurs des transitions, envolées des mélodies, richesses des harmonies, idées dramatiques, tout s’amalgame dans une musique intense et proche du cœur de chacun. Brahms ne cède jamais à la facilité et ne se relâche jamais. L’écriture est très variée : thèmes vigoureux à l’unisson, contrepoint, passages fugués, alternance de rythmes binaires et ternaires, syncopes, décalage rythmique entre le piano et les cordes… on rencontre des mystères qui s’étendent comme sur la mer, des ombres et de la lumière, de la tendresse dans une berceuse nostalgique, un voyage de paysages méditatifs, une résignation semble ici monter sur la musique, mais une conclusion impétueuse s’impose finalement.

Rarement une œuvre nous emporte aussi loin, tant la richesse des thèmes, la beauté et l’équilibre des timbres, sont foisonnants et profonds.

Lors de notre concert, Hans-Christian Sarnau jouera la partie de l’alto.

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Joaquín Turina: inspiré par la musique populaire

Fils d’un peintre du même nom, Joaquin Turina est un pianiste, compositeur et professeur, fortement imprégné par le style andalou flamenco. Joaquín Turina est né en 1882 dans la ville emblématique de Séville, cité qui évoque la lumière, la chaleur et les couleurs de ce pays de soleil brûlant. Il y découvre le piano et l’étudie avec E. García Torres ; précoce il développe rapidement son talent (il écrit un opéra à 15 ans !). Torres le pousse à se perfectionner à Madrid, et à y étudier avec José Tragó ; il fréquente alors le cercle des artistes, où il devient l’ami de Manuel de Falla.  Son inspiration inépuisable lui permet de composer pour piano, de la musique de chambre ; il apprécie aussi de se produire régulièrement en concerts.

En 1905, on le retrouve à Paris (où il reste jusqu’en 1914), élève de Moritz Moszkowski et de Vincent d’Indy pour la composition à la Scola Cantorum. Ce dernier influence nettement son élève, lui donnant le souci de la construction rigoureuse, le goût de l’analyse et d’un certain classicisme.  D’Indy tempère sans nul doute ce qu’avait de « romantique » et d’informel le leg musical hérité de l’Andalousie flamenca. Cependant deux de ses compatriotes, Isaac Albeniz et Manuel de Falla, prennent Turina à part et l’encouragent à trouver l’inspiration dans la musique populaire d’Espagne et d’Andalousie.

Réinstallé en Espagne lorsque la première guerre mondiale éclate, il est joué avec un franc succès à Madrid (La Procesion del Rocio dès 1913 déjà, puis une comédie lyrique). Il compose des opéras, de la musique de scène, de la musique orchestrale et de chambre et se produit abondamment en concerts. Il devient professeur au Conservatoire de la capitale en 1930. Son corpus le plus important est destiné au piano : sur la bonne centaine de numéros d’opus inscrits à son catalogue, on relève plus de cinquante œuvres pour le clavier.

La musique de Turina est souvent pittoresque : on y sent la sensibilité et la magie d’un peuple qui combine fièvre, le rythme, les joies, la séduction… Une de ses grandes qualités est la suggestion – portraits, descriptions de lieux, atmosphères dansantes ou recueillies, impressions sérieuses ou joyeuses.

Scène Andalouse pour Alto, Piano et quatuor à cordes, date de 1911, est créée à Paris le 21 décembre 1911, à la période où Joaquin Turina termine ses études à la Scola Cantorum chez Vincent d’Indy. Dans cette oeuvre, Turina n’hésite pas à suivre les conseils de ses amis compositeurs et compatriotes Albeniz et de Falla : le mouvement d’ouverture Au crépuscule commence par un court prélude évocateur, d’abord au piano puis au premier alto. La musique, très romantique, montre l’influence de l’Andalousie : le pizzicato dans les notes graves évoque les guitares. Le deuxième mouvement A la fenêtre, chante une sérénade, un amant charmant sa bien-aimée. La musique se fait parfois tendre, parfois passionnée, toujours plaisante.

Interprètes: Hans-Christian Sarnau, 1er alto, Claire Ispérian, piano, et le Quatuor Solem.